Pourquoi ce site internet sur la politique ?
Celles et ceux qui connaissent mon engagement politique de longue date ou connaissent Archipel Citoyen peuvent se demander : pourquoi un site internet et pourquoi maintenant ?
Pour les autres, je suis sympa, avant de lire la réponse à cette question, j’ai fait un petit texte ci-contre (« Mes engagements ») pour que vous sachiez “d’où je parle” comme on dit 🙂
La réponse c’est Edgar Morin qui la donne: parce que la politique ce n’est pas compliqué, c’est complexe. Dans son ouvrage Introduction à la pensée complexe (1), Edgar Morin définit à mon sens la pensée complexe à la fois comme une transdisplinarité (pour comprendre le monde il faut savoir allier sociologie, philosophie, physique, anthropologie, etc…) et à la fois comme une façon de penser: savoir lier les éléments sans tenter de les simplifier. La pensée complexe est ainsi une manière d’appréhender le monde comme étant “tissé” inextricablement, la métaphore qu’il emprunte du “complexus” (“ce qui est tissé ensemble” en latin) nous invitant à tenter de lier les choses plutôt que de les séparer ou ordonnancer (voir plus bas sur les méthodes de coopération)
Quand j’étais cadre chez Airbus dans les domaines techniques, la plupart des problématiques étaient compliquées selon Edgar Morin, c’est à dire qu’une prédiction est faisable, qu’une ou plusieurs solutions existent pour résoudre une problématique rencontrée à condition de regrouper suffisamment d’informations puis une quantité adéquate de “jus de cerveau” de parties prenantes bien identifiées et le tour peut être joué.
Depuis que je suis passé professionnellement dans le domaine de l’accompagnement humain et dans le même temps dans l’investissement politique au travers de mon mandat de conseiller municipal et métropolitain, je suis entré pleinement dans le domaine complexe, c’est à dire un domaine où on ne sait pas d’où viennent les problèmes ni où sont réellement les solutions et où, dans la recherche de celles-ci, par le principe de rétroactivité, nous créons de nouveaux problèmes (et de nouvelles solutions) et par principe de récursivité la cause identifiée devient la résultante et vice versa.
Une invitation à l’humilité et au recul car nous ne sommes alors plus dans le domaine de la connaissance ni de l’ « expertise » (mot que j’ai donc appris à détester) mais de l’adaptation à ce qui est.

Le but n’est pas ici de résumer ou réduire la pensée d’Edgar Morin (plein d’autres savent parler de son œuvre bien mieux que moi comme Ali Aït Abdelmalek) mais de dire que rien n’est plus complexe qu’une politique publique où effets de bord, contextes changeants, multitude de parties prenantes forcent à l’humilité et au lâcher prise quand malheureusement le triste théâtre du conseil municipal au sein duquel je siège et le non moins triste état de l’échiquier médiatique poussent ensemble au buzz, à la polémique, à la phrase choc, à la simplification des enjeux, théâtre dans lequel je me retrouve souvent pris et dans lequel je tiens régulièrement le rôle tristement attendu, je dois l’avouer.
Ce site internet, c’est donc ça: un échappatoire pour moi à ce carcan imposé par le “jeu” de la politicaille pour tenter d’aller vers la Politique, au sens noble du terme, celle de la conduite de la cité.
Pour redonner goût à cette Politique nécessaire et utile. En assumant sa complexité. En plus de 280 caractères.
Comment naviguer dans la complexité : éloge de la coopération selon Edgar Morin
Bon cet article de lancement va finir par une pub pour les ouvrages d’Edgar Morin mais tant pis 🙂
Edgar Morin donc, toujours dans son introduction à la pensée complexe, nous enseigne que pour naviguer dans la complexité, 3 modes de pensée nous sont accessibles. Je passe sur les mots à suffixe “—-logique” qu’il utilise parce que ça peut faire pédant les mots compliqués et je passe au schéma suivant (mon côté ingé, un schéma simple est toujours plus efficace à mon sens) hérité de ma formation côté sciences humaines:

1°) « OU » la logique linéaire
Le premier mode de pensée, à gauche, c’est la logique linéaire, celle du “OU”. La politicaille est comme ça: c’est A ou B. Donc soit tu es d’accord avec moi (confusion), soit tu es en désaccord (opposition). Pour/contre. Tort/Raison. Dedans/Dehors. C’est la logique habituelle des organisations descendantes: obéir ou se rebeller (et se faire éjecter). Actuellement en vigueur à beaucoup d’endroits de la ville de Toulouse lié à une culture managériale à tendance autoritaire impulsée par son maire (en tous les cas plus que par le passé, Jean-Luc Moudenc tombant le masque de ses premières années plus rondes et arrangeantes). Culture qui tombe avec violence sur les agents, les associations et bien entendu l’opposition.
2°) « ET » la logique circulaire
Le second est la logique circulaire, celle du “ET”. Deux réalités peuvent co-exister. Je comprends ton point de vue, tu comprends le mien. En sortant de la confrontation et de l’écrasement, je crée un premier espace de coopération où différentes actions peuvent se développer dans la surface ouverte en 2 dimensions de nos différences (le carré dessiné).
3°) « CAR » la logique récursive
La troisième c’est la logique récursive, celle du “CAR”. De nos réalités, ensemble nous allons essayer de comprendre les causes et la finalité que nous donnons à nos représentations disjointes. C’est l’espace de la vision co-élaborée. L’importance est donnée au sens (pourquoi et pour quoi nous faisons les choses?) et au dialogue dans le partage des représentations. C’est l’espace de l’intelligence collective et de la coopération, celui dont je rêve un jour de le voir advenir parmi les forces politiques xxx (à vous d’écrire le mot qui vous convient entre humanistes, progressistes, de gauche, etc… tant les mots sont pris, volés, accaparés, détournés de nos jours mais vous voyez les valeurs et les cibles)
C’est cette coopération qu’Archipel Citoyen défend et continuera de défendre dans la campagne pour les Municipales 2026 qui a déjà débuté.
Oui mais avec quelles valeurs naviguer dans la complexité ? Vous reprendrez bien du Edgar Morin ?
Edgar Morin n’est pas (à 104 ans !) qu’un philosophe et sociologue brillant. C’est aussi un résistant.
Antifasciste, résistant, communiste de jeunesse, animateur du comité contre la guerre d’Algérie, positionné clairement sur le conflit israelo-palestinien, Edgar Morin caractérise pour moi l’humanisme. J’ai eu la chance de l’écouter plusieurs fois lorsque je suivais le Collectif Roosevelt qui tenta de faire pression sur Hollande en 2012 pour que le slogan “Mon ennemi c’est la finance” se traduise dans une politique sociale, économique et climatique ambitieuse (bon on sait comment ça a fini… je vous raconterai un jour d’ailleurs les 2h passées avec François Hollande à débattre du bilan de son quinquennat, complexe et éclairant sur ses ressorts personnels). L’occasion pour moi d’écouter aussi Stéphane Hessel, Cynthia Fleury, Patrick Viveret, Roland Gori, Dominique Meda qui constituent autant de références…

Et j’ai pu écouter quelqu’un qui conciliait rigueur intellectuelle et engagement. Et qu’il a théorisé dans son ouvrage La politique de civilisation, horriblement reprise par Sarkozy, mais qui était à son essence un humanisme à savoir visait « à remettre l’homme au centre de la politique, en tant que fin et moyen, et à promouvoir le bien-vivre au lieu du bien-être » et ainsi « à régénérer les cités, à réanimer les solidarités, à susciter ou ressusciter des convivialités, à régénérer l’éducation » (2)
Le mot convivialité est très certainement utilisé à dessein ici en référence à Ilitch donc le livre La convivialité (3) est un de mes premiers livres de chevet politiques. Livre court (profitez-en !) et que je recommande chaudement.
À travers ce site, je vais donc tenter de suivre cette belle voix, malheureusement au crépuscule de sa vie : s’attacher à la rigueur de la pensée scientifique complexe, œuvrer dans la coopération, rester ancré dans et vers une ville qui résiste, tisse des liens, prend soin de ses habitantES et prépare l’avenir.
Parfois ma colère poindra et la tentation de la simplification et du “OU” reviendra. Ne pas hésiter alors à me tirer l’oreille. Je compte sur vous pour nourrir cet esprit.
Les sources citées dans cet article
(1) MORIN Edgar, Introduction à la pensée complexe, Éditions du Seuil, Collection Points Essais, 1990
(2) WIKIPEDIA, Edgard Morin, URL : https://fr.wikipedia.org/wiki/Edgar_Morin, (consulté le 25 avril 2025)
(3) ILLICH, Yvan, La convivialité, Éditions du Seuil, 1975, 158 pages
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