Maxime LE TEXIER

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Episode 5 – Dis moi qui tu es, je te dirai comment tu votes !

Attention ! Cet article va peut-être faire grincer des dents. Le « cours » de ce mardi 11 janvier était particulièrement intéressant. Et critiqué par les personnes formées ou férues de sociologie, dans notre promo ou ailleurs. Je ne suis pas un spécialiste aussi je ne peux me prononcer sur les problèmes méthodologiques que cette analyse semble posée (et n’hésitez pas à les relever en commentaires). Mais il n’en demeure pas moins intéressant.

Autre « disclaimer » comme on dit: on voit bien qu’en fonction de chaque type d’élection, l’électorat est devenu extrèmement mobile aussi le fait de publier cet article post élection présidentielle peut sembler ne pas coller avec les analyses de France tripartite qui ont cours ces jours-ci. Je pense au final que ce qui est ci-dessous est complémentaire et le vote des Métropoles (dont Toulouse) y trouve un écho particulier.

L’intervenant du jour était Mathieu LEFEVRE, membre de Destin Commun, un laboratoire d’idées qui vise à réconcilier les français.es entre elles/eux. Ouf… Sacré challenge! surtout en ces temps clivants.

Illusion ? Prise de hauteur? Déni de la lutte des classes? Optimisme nécessaire? Déni du conflit inhérent à la démocratie? Chacun.e jugera.

L’élément clé de leur stratégie est en tous les cas de se baser sur la psychologie sociale pour faire de la « segmentation attitudinale« c’est à dire d’analyser les systèmes de croyance des françaisEs, via un questionnaire, leur permettant de catégoriser notre population en groupes partageant valeurs, croyances et une forme d’identité commune. Ces analyses sont ensuite partagées de manière ouverte (d’où cet article) avec associations, syndicats, services de l’Etat, etc…

Mathieu nous a présenté l’une de leurs études appelée « La France en quête » sur l’état de vie démocratique de la France. Je ne vais pas mettre la matière ici en détail car elle est disponible sur le site (rapport de 183 pages mais je vous invite à lire les 19 premières pages de synthèse et notamment la page 7 et 8 qui donne les « 6 catégories de français » et le détail de la description dans laquelle je vais brièvement me lancer). Ce qui est marquant, c’est que Mathieu nous les a décrites comme très prédictives du comportement électoral… Je serais curieux de voir leur analyse post premier tour, très certainement perturbée par les mécaniques de vote utile qui ont joué des 3 côtés mais qui, dans les analyses géographiques locales, ont surement beaucoup à nous apprendre.

Vous pourrez ainsi jouer comme moi à trouver votre catégorie ci-dessous (bon, moi c’est assez facile de me repérer… et puis je vous donne la réponse sous le graphe):

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Chacun.e se fera ses conclusions mais je vous livre mes ressentis sur la présentation et l’échange:

  • J’ai pas tant que ça d’amiEs militantEs et ils sont quasi tou.tes Bac+5 même si parfois précaires (et ça correspond: 12% d’engagé.es (et désabusé.es), on est pas nombreuses et nombreux… Et on est très « blancs »… Et en plus on déprime (et ça va pas s’arranger)…. Chouette, j’ai bien fait de venir en cours ce jour là…
  • Les Stabilisateurs: je retrouve assez bien une catégorie de mon entourage qui se sent sensible aux sujets de fond chômage, pauvreté, environnement, s’investit dans l’associatif mais qui est heurtée par le caractère violent et dogmatique du débat politique. Ce qui la tient à l’écart. Je comprends parfaitement leur recherche d’un « climat politique plus serein ». Le clivage imposé par la Vième république entre majorité écrasante et opposition inutile (au niveau étatique comme local), réduit le champ « politique » (= électoral) à un théâtre exaspérant, ça doit certainement jouer dans ce positionnement.
  • Les Libéraux optimistes: pas mal de macronistes semble-t-il dans ce segment. Intéressant de voir que ce segment attire plus de jeunes et de personnes issues de l’immigration, et autant le chauffeur Uber que le cadre dynamique. Il y aurait, à mon sens, comme une promesse de lendemains meilleurs, pour celles et ceux n’ayant pas par exemple le capital culturel ou social, cher à Bourdieu. Ils « évitent le conflit et dépolarisent », comme pour éviter d’analyser la société sous le prisme des classes. Une forme de rêve/illusion américain à la française?
  • Les Attentistes: m’ont fait mal au cœur. Et peur. Pour mes enfants. Ils me font penser au profil des jeunes Metavers « plus rien à foutre ». Devant l’incertitude et la négativité des lendemains qui chanteront peu, ils choisissent le retrait (ne votent pas ou plus), voire le complotisme. Espoir: leur repli semble réversible. Alors réenchantons leur monde (instant pub: Archipel Citoyen)
  • Les Laissé.es pour compte: là j’ai carrément déprimé. « SeulEs, mépriséEs, oubliéEs, en colère à l’égard d’un système qu’ils estiment profondément injustes ». J’aurais presque tendance à laisser tomber l’écriture inclusive car une majorité est féminine. Ce qui m’a frappé, c’est que je visualisais une France que je sais exister mais que je ne vois pas, dans mon microcosme urbain, bourgeois et éduqué. Une France plus rurale / villes moyennes comme le décrit l’étude et qui se retrouve à l’écart des mutations de la société. Stigmatisée et frappée par l’impact sur le pouvoir d’achat de la hausse du carburant et du chauffage, glissant dans la pauvreté dans un silence assourdissant, ce que tenta pendant 1 an de briser le mouvement des Gilets Jaunes. Ce mouvement a pu leur redonner un temps un sentiment de solidarité (je l’espère…) mais qu’en est-il maintenant? Lueur d’espoir encore: ils semblent encore avoir envie de s’engager.
  • Les Identitaires: « Know your enemy », là c’est la chanson de Rage Against the Machine qui est remontée mais très vite je me suis ressaisi en me disant « pourquoi? » et en réfléchissant à comment tendre la main à ce 20% (malgré tout quelque peu rassurant quand le jeu des additions au premier tour des présidentielles nous pousserait à aller plus haut). Et à la lumière de leurs convictions, j’ai pas trouvé ce jour là de truc fameux pour leur parler en dehors du pouvoir de vivre (je préfère cette formule de Damien Carême au « pouvoir d’achat »). Élève Le Texier, effort démocratique à poursuivre.
  • Au global Destin Commun insiste sur le fait qu’il n’y a PAS de segmentation CSP visible dans l’étude et que les segmentations géographiques ou Paris/Régions sont faibles. On peut ainsi lire Toulouse comme la France. Avis aux camarades toulousainEs 😉

Au final Destin Commun identifie 3 France qui vivent en parallèle:

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Ce que je retiens de ces 3 France, c’est que l’affrontement au sein de la France Polémique entre les MilitantEs désabuséEs et les Identitaires est inaudible pour les 2 autres et que le délitement des structures collectives d’échange (communautés religieuses, syndicales, sportives, …) combiné à la surenchère réseaux sociaux renforce cette polarisation sociétale entre les deux branches de la première catégorie et l’isolement des 2 autres catégories.

Face au discours du « eux » contre le « nous », Mathieu insistait sur le fait que la France des OubliéEs était vulnérable. Désengagée, en retrait de la « conversation nationale » comme l’appelait Mathieu, elle est celle qui a pourtant besoin de la solidarité nationale. Et cela a renforcé ma conviction que le discours social doit être au cœur des préoccupations de transition pour ne pas laisser sur le bord du chemin 38% de la population. Et dans cette tâche la France Tranquille (30%), qui semble pilier du système social (engagement associatif ou économique), doit devenir une alliée si on ne veut pas basculer dans une lecture identitaire de la France (risque soulevé par l’étude). En effet Mathieu insistait en janvier sur le fait que le rejet « anti-système » est grandissant chez les OubliéEs et que « l’indifférence ou la colère peut se retourner contre les minorités ». La campagne 2022 en a été une triste illustration dont le résultat m’a laissé, comme beaucoup, sans voix. Un discours et un récit simple (et on peut, à gauche, le dire simpliciste si ça arrange mais ça n’en atténue pas l’effet..), une réponse au besoin d’ »ordre » qu’exprime la France Tranquille, une dédiabolisation du FN grâce au trublion Zemmour, un discours « pouvoir d’achat » intelligent, des structures d’influence organisées: les Identitaires ont une longueur d’avance sur la « gauche ».

Il faut donc convaincre la France Tranquille de ré-investir le champ électoral et de pouvoir politique en la réconciliant avec sa pratique.

L’analyse de Destin Commun finit sur une note d’optimisme à cet égard en montrant que 83% des françaisEs considèrent qu’ »on » doit se serrer les coudes et garde foi dans les missions de service public de l’Etat.

Là encore, à Toulouse, Archipel Citoyen a tout son rôle. Nous le jouerons.

En conclusion, je dirais que certes Destin Commun, de part sa raison d’être, pousse à cette analyse de réconciliation. On pourra y voir plein de biais. Reste qu’elle m’a parlé car je reste plus que convaincu que c’est en tendant la main que nous arriverons à redonner confiance dans notre société et nos institutions. L’isolement n’est pas une solution, elle vous mange à petit feu.

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